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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/149

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l’abbaye d’évolayne

Adélaïde ne parut point convaincue :

— En êtes-vous bien sûre ? N’est-ce point la maladie au contraire qui m’a révélée à moi-même. Oh ! mère, que faut-il que je fasse ?

Cet appel, celui d’une enfant perdue, dressa tout à coup la supérieure. Son visage rayonna. Elle posa les deux mains sur les épaules de la mère Constance, s’efforçant de lui imposer une confiance qu’elle n’avait pas.

— Dormir, dit-elle avec autorité.

Et comme le regard surpris de la religieuse l’interrogeait, elle expliqua :

— Oui, ma fille, dormez, c’est tout ce que je vous demande. Vous avez l’âme surmenée par l’inquiétude. Votre prière même est mauvaise, car elle s’embarrasse de problèmes que vous ne pouvez pas résoudre. Abandonnez-vous. J’abrégerai pour vous les heures de cellule, d’oraison. Il faut que votre peine s’assoupisse. Laissez-nous, vos sœurs et moi, prier à votre place. Ne craignez rien, n’interrogez plus l’avenir. Reposez-vous sur nous.

Pendant les semaines qui suivirent, la direction de l’abbesse fut un chef-d’œuvre de prudence et de tendresse. Toute son attention se concentra sur la mère Constance. Elle la dispensa des longs offices, lui fit donner une nourriture plus fortifiante, lui imposa des travaux extérieurs peu fatigants, mais qui ne laissaient aucune place à la rêverie. En même temps qu’elle agissait pratiquement, elle agissait spirituellement. Toute la communauté, sur son ordre, se resserrait autour de l’âme en péril, la couvrait des boucliers de la prière. Adélaïde, docile aux instructions reçues,