Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
l’abbaye d’évolayne

à une cérémonie semblable. Que de chemin parcouru depuis lors, que de grâces reçues. Il n’y a dans ma joie qu’une fêlure : la crainte de n’être pas digne ! Cette charge du sacerdoce ne dépasse-t-elle pas mes forces ? Quand je tremble, je pense à vous. Je me rappelle que je ne suis pas seul. À côté de la vie d’un prêtre, vie d’action, il faut pour la soutenir une vie d’effacement, de méditations, de prières. La vôtre sera cela pour moi. Vous m’assisterez constamment, n’est-il pas vrai ? À quoi bon vous dire ce que j’attends de vous ! Je sais que votre cœur demeurera uni au mien, comme autrefois, toujours.

Elle admira ce rêve et pourtant ne souhaita pas le réaliser. Les paroles de Michel l’émouvaient sans l’abuser. Elle n’avait qu’une pensée dans le cœur : qu’il allait la quitter, qu’elle ne le verrait plus. L’instant prodigieux et précaire tant espéré passait, passait. Chaque seconde naissait, dégageait des effluves d’une suavité déchirante et s’envolait sans qu’elle pût la retenir. Cette chaleur qui lui venait de la présence aimée, cette lumière que projetait sur elle un cher visage lui seraient bientôt retirées. Le temps fugitif, dans la même minute, la comblait et la dépouillait. Ce qu’il lui accordait dans le présent, il le lui reprenait aussitôt, l’abolissait en le jetant au gouffre de l’avenir. Il la poussait irrésistiblement vers les ténèbres de la solitude :

Cependant, averti par la mère Hermengarde de l’état où se trouvait sa femme, Michel désirait l’aider, faire pour elle ce qu’on attendait de lui :

Vous ne me parlez pas de vous, dit-il avec