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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/161

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l’abbaye d’évolayne

devant elle un homme abusé par le bonheur qui, du haut des cimes où il s’était élevé, ne voyait plus qu’un monde magnifié par le flamboiement de la paix. Il ne connaissait plus la femme qu’il avait aimée. Il la croyait et la voulait semblable à lui. Elle sentait qu’il serait facile de l’affermir dans son erreur. Elle n’avait plus qu’un sacrifice à faire : lui laisser ignorer ce qu’elle souffrait par lui et, pour cela, il suffisait de se taire ou de lui jeter une réponse ambiguë, imprécise, dont il dénaturerait de lui-même le sens :

— J’ai douté en effet de ma vocation, dit-elle brièvement, puis, tout à l’heure, quand j’ai reçu la communion de votre main, la lumière s’est faite en moi. Je possède l’absolue certitude.

Elle ne mentait pas, mais parce qu’il négligea de la regarder au visage, il ne comprit pas que cette certitude était celle de l’échec.

— Dieu est bon, murmura-t-il avec un accent de soulagement : Il a daigné bénir notre rencontre.

— La dernière, répéta-t-elle d’un ton ferme et froid. Car peu lui importait que désormais Michel fût auprès d’elle ou dans un autre hémisphère. Cette grille suffisait à les séparer et ce vêtement comme une armure sur le cœur du prêtre à jamais refermée. Michel se méprit sur le sens de son exclamation.

— Je vous comprends, dit-il. À qui a trouvé Dieu nulle créature n’est plus nécessaire. Certes nos supérieurs sont si bons qu’ils nous accorderaient peut-être, en des cas graves, la permission de nous revoir, mais nous ne réclamerons pas cette faveur, n’est-ce pas, même au seuil de la mort. Dès aujourd’hui, nous renonçons entièrement l’un