Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
l’abbaye d’évolayne

à l’autre. Je vous aiderai de loin par mes prières et vous de même. Je vous donne rendez-vous au delà de la terre, là où nous ne serons plus séparés.

Alors, il redressa la tête. Ses paupières se soulevèrent lentement. À travers la grille ses yeux se fixèrent sur Adélaïde. Il accordait à leur amour une suprême concession. Il désirait et permettait cet intime échange qui, par le regard, s’établit entre deux êtres mieux que par les paroles. Il cherchait les sombres prunelles qui ne reflétaient, croyait-il, que la paix et la gloire de Dieu. Il voulait voir la joie de sa sœur. Mais elle, devinant son intention et plus prompte que lui, avait déjà voilé son visage que blêmissait l’angoisse de la séparation. Il fut touché de ce geste dont il ne devina pas la portée, admira l’ascétisme qui la faisait se dérober aux dernières effusions des tendresses humaines.

— Si sainte, murmura-t-il, tellement meilleure que moi !

Elle ne fit pas un mouvement, ne prononça pas une parole, refusa toute consolation. De nouveau, cette fois sans aucune illusion, sachant exactement ce que lui coûtait ce sacrifice, elle donnait à Dieu son bien-aimé libre de toutes chaînes, de tout soupçon, de tout remords. Ah ! maintenant l’instant merveilleux pouvait finir. Si bref qu’il eût été, il lui avait apporté une douleur trop aiguë pour qu’elle pût la supporter plus longtemps. Elle appelait la solitude comme une délivrance :

— N’avez-vous plus rien à me dire ? interrogea Michel.

Elle murmura avec effort :

— Allez, soyez heureux !