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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/179

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l’abbaye d’évolayne

choisir le meilleur, le plus sûr et, se faisant porter sur lui comme sur un radeau, faire la traversée de la vie en courant la chance du vrai. Mais entre toutes les probabilités qui se détruisaient souvent l’une l’autre, son cerveau féminin sans force et sans lucidité hésitait, indécis. En somme, ce qui nous fait pencher vers l’un ou l’autre système philosophique, vers la négation ou vers l’affirmation, n’était-ce qu’un simple attrait personnel, aussi parfaitement injustifié que celui qui nous porte à préférer la couleur bleue à la couleur rose ?

L’Église au reste enseignait que les lumières naturelles ne nous conduisent pas jusqu’à la foi, laquelle est un don gratuit de Dieu. Il fallait donc admettre qu’une certaine évidence, discernée par tout être que les passions n’aveuglent pas, le porte à désirer la foi, car sans elle c’est en vain qu’il applique au mystère toute l’attention de sa raison, son effort patient ressemble à celui de l’astronome qui voudrait, sans télescope, dénombrer les étoiles. La grâce est l’instrument approprié à l’infini qui permet de le comprendre. Mais il ne suffit pas de reconnaître son utilité, il faut la demander et la mériter par la prière et le sacrifice.

Là, Adélaïde se heurtait à une difficulté nouvelle, à la nécessité d’expliquer son échec spirituel. Elle reconnaissait que son point de départ n’était pas absolument pur, qu’elle avait immolé sa vie à Michel, non à Dieu. Toutes ses années de cloître n’étaient rien puisqu’elle ne les avait pas offertes vraiment à son Sauveur. Ne pas aimer Dieu, ne rien faire pour Dieu dans ses intentions