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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/183

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l’abbaye d’évolayne

Adélaïde qui la savait perdue acquiesçait doucement. Mais l’exigeante affection dont elle était l’objet lui fit mesurer les limites de la charité. En admettant qu’elle eût pu soigner à temps et sauver cette jeune fille, qu’en eût-elle fait ? Leur éducation, leur âge, leur milieu étaient trop différents pour leur permettre de mêler leur vie dans une égalité tendre. L’enfant qui avait fait ce rêve n’eut point le temps d’en discerner l’inanité. Le mal s’aggrava vite. Adélaïde la fit transporter dans une clinique. Un matin, venant la voir, elle la trouva en agonie et, seule, assista à ses derniers moments. Elle vit ce pauvre être agité, douloureux et plaintif s’immobiliser, se retrancher dans la paix d’un sommeil sans fissure dont nulle souffrance ne pourrait l’éveiller, La mort lui parut bonne et miséricordieuse. Pourquoi n’était-il point permis de la chercher volontairement, puisqu’elle guérissait seule la vie, ce mal cruel ?

Parmi les médicaments qu’Adélaïde avait achetés pour sa protégée, le matin même de sa mort se trouvait une potion à base d’atropine qui la soulageait dans ses crises d’asthme. Au moment de détruire l’inutile et dangereux remède, elle hésita et décida de le conserver. Ce seul mot « Poison » sur l’étiquette lui donnait une sorte de sécurité. Il lui semblait doux d’avoir entre ses mains un instrument de délivrance, si quelque jour elle ne pouvait plus supporter.

Ayant tenté l’expérience du dévouement pour n’aboutir qu’à un échec, elle se trouva plus libre et plus désemparée que jamais.

— Que peut-on pour les êtres, songeait-elle tristement ? Tout juste offrir un peu d’argent à ceux