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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/182

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l’abbaye d’évolayne

pouvaient avoir reçu ce don qu’elle ne possédait pas. Pénétrée d’une immense pitié pour toutes les infortunes, elle n’avait pas l’habitude des milieux populaires où elle pénétrait pour la première fois. Elle ne savait pas parler aux simples. Le sentiment de son impuissance l’accablait devant les malades. Elle ne se sentait pas le droit d’exhorter à la résignation ces pauvres êtres frappés dans leur chair, alors qu’elle était épargnée. Elle les considérait avec une stupeur triste, adressait en silence à Dieu une interrogation désolée et sa présence restait stérile.

Une fois cependant sa compassion fut douce à une créature déshéritée, par qui elle se sentit aimée et dont elle s’occupa durant plusieurs mois. C’était une jeune ouvrière de corps fragile, d’âme délicate qui se mourait de tuberculose. Son père et son frère qui travaillaient au dehors devaient l’abandonner tout le jour. Elle accueillit avec joie l’étrangère qui lui apportait des livres, la comblait de cadeaux, écoutait avec bonté le récit de ses découragements et de ses espoirs. Dans cette vie désolée et qui allait s’éteindre, la sollicitude attentive d’une femme jeune, agréable et belle fut un bonheur inattendu, trop grand, par cela même dangereux. La reconnaissance que l’enfant éprouvait pour sa bienfaitrice se changea vite en passion triste. Elle pleurait dès qu’Adélaïde demeurait un jour sans venir la voir, réclamait sans cesse sa présence. Elle s’inquiétait de l’avenir, suppliait.

— Promettez-moi que vous ne m’abandonnerez jamais. Oh ! quand vous quitterez Lyon, je serai guérie. Vous m’emmènerez.