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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/192

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l’abbaye d’évolayne

Leur commun amour de la nature les rapprochait. Leur amitié grandit vite. Au cours de leurs entretiens Bernard parlait volontiers de lui-même, de sa famille. Il avait trente-cinq ans, vivait à Paris avec sa mère. Il avait trois sœurs mariées qu’il chérissait et il avouait ne se plaire que dans la société des femmes. Prudente, Adélaïde ne livrait rien de son passé. Il n’osait solliciter des confidences, se bornait à essayer d’approfondir les vagues renseignements que, par hasard, durant leurs conversations elle donnait parfois sur sa vie.

— Quand j’habitais Paris, dit-elle un jour. Il interrogea aussitôt :

— Vous n’y habitez plus ?

Elle répondit négativement sans lui fournir l’indication qu’il désirait. Une autre fois, il crut saisir une piste nouvelle. Elle disait :

— À Lyon, cet hiver…

Il demanda encore :

— C’est à Lyon que vous habitez ?

— Non, dit-elle, je voyage.

À l’hôtel, le courrier arrivait chaque jour à l’heure du déjeuner. Il remarqua avec stupeur qu’elle ne recevait jamais de lettres et n’en attendait pas, car cette distribution qui agitait tout le monde la laissait toujours indifférente. Il sut ainsi qu’elle n’avait ni demeure, ni famille, ni amis, personne, et que le sort de cette femme qui semblait faite pour rassembler sur elle tous les bonheurs et toutes les tendresses était le plus amer qui fût au monde.

Cette découverte la lui rendit plus chère encore. Sa beauté lui parut plus émouvante parce qu’en-