Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
l’abbaye d’évolayne

à la charité du prêtre le souvenir de leur ancien amour. Dès qu’elle eut réalisé dans son esprit le fait qu’elle pouvait le rejoindre, tout fut dit. L’espoir, comme une lame de fond qui se soulève, l’emporta vers Michel. Elle partit, regagna Paris, s’y arrêta juste une nuit, repartit pour Évolayne et, par un beau soir apaisé, elle aperçut enfin, penchée à la portière du train, les deux tours de l’abbaye dans le poudroiement du soleil.

À l’hôtellerie de la Drachme perdue, elle ne reconnut personne. Les patrons, le personnel étaient nouveaux. Elle en éprouva d’abord un soulagement, puis une crainte subite. Même en ce lieu où la vie changeait peu, bien des événements avaient pu se produire. Parfois les moines étaient envoyés en mission ou dans d’autres couvents. Michel était peut-être absent, malade. Durant le dîner elle interrogea l’hôtelier :

— C’est toujours Dom Wilfrid qui est abbé ?

— Toujours !

— Et le père Athanase, toujours ici ?

— Oui.

Elle nomma quelques autres moines, reçut la même réponse et enfin, le cœur battant, interrogea :

— Et le père Stéphane ?

L’hôtelier s’exclama :

— Ah oui ! celui qui était marié. Il a prêché l’autre dimanche. Il parle bien. Mais vous connaissez tous nos pères, madame.

— À peu près, dit-elle négligemment. J’ai passé plusieurs années ici.

Elle se tut. Elle avait le cœur plein de joie, de tendresse et d’effroi.