Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
l’abbaye d’évolayne

temps sans réponse ! « Où est ma pauvre enfant ? »

Adélaïde ne se rendait pas compte si ces paroles qui semblaient tendres étaient bien celles qu’elle attendait. Encore anéantie dans l’extase du retour, elle n’était pas assez lucide pour comprendre leur valeur réelle. Elle les trouvait à la fois ravissantes et insuffisantes et s’appliquait surtout à les bien retenir pour les examiner plus tard. Elle était en même temps triste et enchantée.

— Faut-il vous plaindre, vraiment ? murmura-t-elle. Je pense que Dieu vous assistait.

— C’est vrai. Nul autre que ce grand ami ne pouvait m’aider à supporter votre disparition, ce silence total, cette ignorance absolue de votre sort.

— Moi, gémit-elle, j’étais seule !

— Non, dit-il, le même ami vous accompagnait, invisible et présent.

Il y avait une telle lumière dans ses yeux qu’elle en fut éblouie. Oh ! se soumettre, croire humblement ce qu’il croyait ! D’où vient que la vérité qu’il trouvait évidente restait pour elle douteuse et cachée ? Peut-être que s’il mettait sa main sur la sienne, leurs cœurs cesseraient d’être ainsi divisés, se fondraient dans la même adoration. Elle la considérait attentivement cette main longue aux articulations fortes, qui n’était pas régulièrement belle, mais qu’elle aimait. Elle l’effleura d’un doigt léger. Michel ne parut point remarquer cette caresse, mais, peu après, il croisa ses deux bras sous ses larges manches dans un geste monacal.

— Voyons, dit-il, reprenons tout du commencement. Il y a entre nous un abîme de dix-huit mois qu’il faut combler. Où étiez-vous ?