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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/216

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l’abbaye d’évolayne

ses yeux qu’un mot que les mondains emploient inconsidérément comme ils disent : « Je meurs d’ennui, » ou bien : « Ma vie est un enfer. » Le père Stéphane répliqua posément :

— Vous vous exagérez l’importance du mal. Rien dans votre état ne me semble vraiment grave, vraiment irrémédiable… à moins…

Sa voix fléchit un peu. Il acheva plus bas :

— À moins que vous n’ayez déshonoré votre âme par le péché mortel.

C’était là sa seule inquiétude réelle. Il avait perdu l’habitude de s’émouvoir beaucoup devant la souffrance, la sachant salutaire. Moine, il ne redoutait que le péché et il tremblait qu’après son échec mystique Adélaïde, livrée à elle-même, sans but désormais, sans devoirs, désirant le bonheur ne l’eût cherché dans des voluptés non permises. Comme elle tardait à répondre, semblait hésiter devant un aveu difficile, il reprit avec plus d’angoisse encore :

— Vous pouvez tout me dire, Adé, quelles qu’aient été vos fautes, j’en prendrai justement ma part et ne vous condamnerai pas.

Elle fut heureuse, ineffablement, de ce tourment qu’elle lui causait et attribuait faussement à la jalousie de l’homme plus qu’à celle du prêtre. Elle le rassura, non sans fierté.

— Il n’y a pas une tache sur ma vie.

Et elle ajouta tendrement :

— Vous m’avez bien gardée.

— Non point moi, objecta-t-il, Dieu !

— Vous seul, reprit-elle. Sans vous, j’aurais accepté peut-être l’amour qui me fut offert il y a peu de temps, un grand amour ! Mais en y cédant