Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
l’abbaye d’évolayne

nom que je vous donnais jadis et que vous ne portez plus que pour moi : Michel !…

Appuyée sur son cœur, dans l’intimité des ténèbres, elle ne l’aurait pas appelé d’une voix plus basse ni plus roucoulante. Et, la voyant ainsi perdue dans l’extase du souvenir, le moine, embarrassé jusqu’au malaise, cherchait comment l’arracher à l’obsession brûlante du passé. Ce fut à ce moment que la cloche de l’abbaye retentit longuement dans le silence :

— Le chapitre ! déjà ! dit-il en se levant, non sans une impression de soulagement.

Adélaïde qui, les yeux fermés, un sourire vague et lointain sur les lèvres, semblait dormir, se dressa brusquement.

— Où allez-vous ? dit-elle en étendant les bras. Soyez patient. Demeurez encore près de moi, accordez-moi quelques minutes encore… Je voudrais vous expliquer… Oui, soyez patient… Je ne vous retiendrai plus que quelques instants.

— Je ne puis, répondit-il avec une fermeté douce. C’est l’heure du chapitre. Comprenez-moi, Adé. Je ne suis pas libre.

Mais elle n’acceptait pas qu’il la quittât si vite, au moment même où son âme allait enfin s’ouvrir, où elle s’avisait seulement, après tant de paroles vaines, de ce qu’elle avait à lui dire, ceci simplement : elle l’aimait plus que tout au monde et ne pouvait vivre sans lui.

— Ah ! reprit-elle amèrement, rendez-moi justice. Depuis huit ans je n’ai guère entravé ni vos devoirs, ni votre obéissance. Voici la première fois que je vous importune et vous me renvoyez…

Sa bouche tremblait. Elle semblait tellement