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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/224

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l’abbaye d’évolayne

enfant ? — Je reconnais mon impulsive Adé… — Mon double titre de prêtre et d’époux…

Paroles isolées qu’elle ne reliait point encore à celles qui les avaient précédées et suivies, paroles consolantes par lesquelles le moine la refaisait sienne, affirmait qu’elle restait toujours sa femme, son enfant, son Adé, l’âme dont il répondait devant Dieu. De ces mots très simples elle se formait un grand bonheur. Elle les répétait tout bas sans trêve, cherchait à se bien rappeler leur intonation, le moment où ils avaient été prononcés. Ils chantaient en elle encore, quand elle rentra, assez tard, à l’hôtel. Elle se déshabilla rapidement, abrégea sa toilette. Toute action et tout mouvement paralysaient leur bienfaisante influence, interrompaient leur chuchotement. Elle avait hâte de se livrer entièrement à eux, pour qu’ils la berçassent toute la nuit. Mais quand elle fut étendue, immobile sur son lit, dans le silence et l’ombre, c’est alors qu’elle commença de souffrir. Le charme magique de la présence aimée cessa d’agir sur elle. Le rayonnement chaleureux que dégage un souvenir très proche s’atténua et, l’envoûtement une fois dissipé, Adélaïde mesura combien l’entrevue dont elle avait attendu le bonheur avait peu comblé son espérance. L’accueil de Michel lui parut à la réflexion bien froid, à côté de son émotion à elle. Peu à peu les paroles dont elle s’était enivrée perdirent leur influence apaisante. Les autres, auxquelles elle avait prêté moins d’attention, ainsi qu’un poison qu’on a bu mêlé à quelque exquis breuvage, manifestèrent leur force nocive, lui remontèrent du cœur aux lèvres en un