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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/226

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l’abbaye d’évolayne

vous un double devoir ». Le début de la phrase qui tout à l’heure lui semblait doux perdit soudain toute importance. Elle buta amèrement sur le dernier mot : Quoi ! ce serait donc par devoir qu’il s’occuperait d’elle, non point par cet attrait passionné qui penche la mère sur son enfant malade, l’époux sur l’épouse en danger. Elle attendait un autre cri : « Ma chérie, ma brebis perdue, ne craignez rien et restez avec moi, je prends charge de votre vie. » Il n’avait trouvé que des phrases toutes faites, infiniment vagues, infiniment vides. « Ayez confiance… Votre mal n’est pas sans remède… Ouvrez les yeux, car la joie que vous cherchez est là, toute proche, la joie que notre Maître réserve à ses élus. » Elle s’apercevait à quel point il avait été froid et cruel pour elle.

Du moins elle savait maintenant nettement ce qu’elle voulait : ne plus le perdre, ne plus le quitter. Si stérile qu’eût été leur brève entrevue, elle se rappelait que, devant lui, elle avait cessé de souffrir. Un remède existait dont elle avait éprouvé l’efficacité. Une solution s’imposait. Elle ne serait plus jamais ni religieuse, ni épouse, mais elle pouvait être la sœur de Michel, sa fille spirituelle. Elle s’installerait dans le pays. Elle le verrait souvent. Il dirigerait son âme. À lui elle céderait toujours. Et son malheur deviendrait tolérable, étant périodiquement allégé par le répit que lui dispenserait une chère présence !

Rien d’autre en effet ne semblait pouvoir agir sur elle. La nuit ne la calmait pas. Nulle torpeur encore, messagère du sommeil, n’engourdissait sa chair fiévreuse, sa pensée trop active. Soulevée sur ses oreillers, elle fixait l’ombre et, visionnaire