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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/233

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l’abbaye d’évolayne

Voilà tout ce qu’elle avait à lui dire. Il fallait qu’elle le convainquît de cela. « Je ne peux pas vivre sans vous ! » Parole, hélas ! toute faite que bien des femmes ont répétée et dont il ne comprendrait peut-être pas toute la gravité. Et pourtant… Vivre sans lui !… Cette pensée la frappait comme une lanière cloutée de fer qui arrache la chair et fait jaillir le sang. Vivre sans lui !… Elle se redressa, se jeta de côté et d’autre, haletante… Où irait-elle si sa dernière tentative échouait, si Michel la renvoyait ? Certainement elle ne repartirait plus au hasard dans l’univers vide. La tentation qui l’avait effleurée maintes fois dans ses heures sombres revint, si forte qu’elle en cria d’angoisse. Son cœur, sa raison, sa volonté l’accueillirent sans lutte avec une complaisance exténuée. Seul, un dernier instinct, au plus profond de ses entrailles, s’efforça de la repousser. À ce moment, elle revit le sourire de Michel lorsqu’elle lui avait parlé de son désespoir. Il ne croyait pas à un certain excès de douleur. Il ne réaliserait la possibilité du suicide que s’il la voyait prête à l’accomplir, un revolver contre sa tempe, un poison dans les mains. Elle n’avait pas d’armes, mais elle chercha sur sa table de toilette le flacon d’atropine dont elle ne se séparait plus. L’ayant trouvé, sans l’ouvrir, elle le porta jusqu’à ses lèvres, car elle imaginait Michel présent.

— Regardez bien, lui disait-elle, voici la mort, là, en ma possession. Voici la dernière amie qui me restera, mon refuge si vous me repoussez. Ceci n’est point une vaine menace. J’ai fait mon choix, à votre tour faites le vôtre. Songez-y, si vous m’abandonnez aucune loi divine ni humaine ne