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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/256

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l’abbaye d’évolayne

— Aucune, Nous ne sommes que des instruments, Dieu seul agît.

Elle reprit avec plus d’âpreté encore :

— Combien d’âmes sauvées offrirez-vous à votre Maître en échange de celle que vous avez perdue ?

Il pâlit un peu sous son regard :

— Quelle âme ai-je perdue ?

— La mienne.

— Certes, ce serait pour moi un éternel remords ! mais je vous connais bien. Je sais que votre bonheur n’était point en moi, que je ne pouvais pas vous suffire.

Elle renversa un peu la tête et il ne vit plus que sa bouche tremblante :

— Pourtant, Michel, je meurs de votre abandon ! Quelque chose avertit le moine que cette parole n’était point une figure, une image, mais la vérité même. Il la sentit résonner au plus profond de son cœur. Résolu cependant à ne point se laisser troubler, il répliqua avec une douceur un peu fade, presque puérile :

— On dit cela et l’on vit tout de même, n’est-il pas vrai ?

— Ne raillez pas.

Sa voix n’exprimait plus la colère, mais une sorte d’autorité tranquille, irrésistible. En même temps elle ouvrait ses mains fermées. Elle lui tendait un flacon vide, ouvert. Sans comprendre, il le prit, le retourna. L’étiquette rouge apparut et le nom du poison. Alors il jeta un cri si fort que tout l’air autour de lui vibra.

— Adé, Adé, qu’avez-vous fait ?

— Ce que font les désespérés !

Ah ! cette fois, elle pouvait triompher. Elle lui