Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
l’abbaye d’évolayne

moine sentait toujours sur sa joue la chaleur de la joue d’Adélaïde. Elle se faisait plus lourde à son épaule. Il n’avait pas besoin de la regarder pour lire en elle. C’était maintenant une créature brisée, incapable d’aucun effort. Il ne savait plus par quelles paroles stimuler l’âme exténuée. Cette femme qu’il aimait entre toutes était la seule près de laquelle il ne pouvait remplir son rôle de prêtre, car il usurpait devant elle la place de son Maître. Elle comprit le chagrin qu’elle lui causait, sans pouvoir l’alléger.

— Adieu donc, murmura-t-elle d’une voix rauque, sombrée, étrangement inhumaine. Je ne reposerai pas en paix, puisque nulle réunion n’est plus possible. Je meurs avec ton nom dans le cœur. Tu peux couvrir de bénédictions et d’huile sainte ma dépouille, mon âme t’échappe en t’appartenant. Michel, il faudra m’oublier.

Il eut un geste de dénégation plus éloquent qu’aucune parole tant, visiblement, l’être intérieur y participait. Par sa transgression, elle l’avait lié à elle plus profondément qu’autrefois par tous les efforts de son obéissance et de sa foi. Désormais il ne cesserait plus de souffrir par elle et pourtant leur double douleur restait stérile. Ils se regardaient, déchirés par le même remords, lui à cause de Dieu, elle à cause de lui. Ils pleuraient, voyant le mal irréparable qu’ils s’étaient fait l’un à l’autre. Une dernière fois elle couvrit de baisers le visage du moine.

— Oublie, supplia-t-elle, je le permets, je le veux. Va, heureux, vers le ciel et laisse-moi l’ombre et l’abîme. Il n’y a pas de salut pour moi. Bénie et pardonnée je ne reposerais pas encore en