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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/276

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l’abbaye d’évolayne

primer. Elle essayait vainement de se faire comprendre. Le larynx contracté ne laissait passer qu’une suite de sons précipités et rauques qui ne parvenaient pas à devenir paroles. Pourtant, à force d’efforts, elle prononça distinctement le mot « jour », avec un accent de supplication. Michel, tournant le commutateur du plafonnier, illumina la pièce, mais elle se crut alors au milieu des flammes, jeta des cris. Il éteignit aussitôt. Il avait dû s’éloigner d’elle. Cette forme noire qui bougeait cessa de lui paraître familière et prit un aspect redoutable. L’homme aimé ne fut plus son défenseur, mais son ennemi. Sans nulle protection devant lui, elle l’épiait avec défiance. L’effroi faisait grelotter sa chair et lorsqu’il voulut la toucher, elle se rejeta sur l’autre bord du lit. Il étendit les bras, cherchant à l’apaiser et ne réussit qu’à redoubler son épouvante. Elle fit un saut brusque hors des draps, toucha terre, tomba sur un genou et, se relevant, courut vers la fenêtre, essaya de l’ouvrir. Déjà Michel l’avait rejointe. Il l’enlaça, pliant à demi sous la poussée furieuse de ce corps animé par la force du délire et de la peur déchaînés. Il y eut une courte lutte. Puis la crise prit fin. Michel, reportant sur le lit sa femme inerte, s’efforça de la ranimer. En même temps, très bas, il répondait aux questions du père Athanase qui s’était rapproché :

— C’est le cinquième accès… Les piqûres de morphine n’ont fait que redoubler le mal… Nous avons tout tenté…

Il n’acheva pas. La force lui manquait pour commenter ou pour se plaindre. Son attitude disait assez qu’Adélaïde était perdue. On sentait qu’il