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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/278

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l’abbaye d’évolayne

debout à son chevet, elle les distinguait l’un de l’autre, cherchait à les situer dans le domaine du souvenir. Sachant que le sens de l’ouïe n’était pas atteint chez elle comme celui de la vue, Michel, à voix haute, répéta :

— Le père Athanase est là, Adé, vous m’entendez bien… Le père Athanase !

Elle fit de la tête un signe d’acquiescement. Michel s’effaça, cédant à la tête du lit sa place à son ami. Celui-ci se pencha. Son visage était doux. Ses lèvres effleurèrent le front d’Adélaïde. Ni la lèpre du péché sur elle, ni celle de la douleur mal acceptée ne firent reculer sa charité parfaite. Il lui parla et elle le reconnut, car elle retint longuement sa main dans la sienne. Quelques sons rauques, indistincts s’échappèrent de sa bouche, mais elle ne parvint pas à prononcer un mot. Sa main pressa encore celle du religieux, puis se retira. Elle semblait le remercier et le repousser à la fois, trop lasse pour accepter aucun secours.

Le père Athanase hésita. Il se trouvait en présence d’un fait qui, dépassant les limites de l’événement particulier, remettait en question les plus troublants problèmes. Cette âme avait beaucoup aimé et noblement souffert, pourtant elle gisait devant lui vaincue, frappée à mort, désespérée. Rien n’était donc ici-bas aussi simple qu’il l’avait cru, du moment que la douleur humaine parfois manquait son but et, au lieu de sauver, perdait. Le prêtre n’osait condamner ni conclure, ni même intervenir autrement que par la prière dans le drame qui s’achevait sous ses yeux. Ne sachant comment atteindre la créature égarée qu’il n’avait jamais comprise, il s’en remit à Dieu.