Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
l’abbaye d’évolayne

Tombé à genoux il se recueillit longuement. Puis se relevant, il s’inclina de nouveau sur Adélaïde, répétant plusieurs fois certains mots afin qu’elle les comprît bien :

— Je ne vous demanderai rien, dit-il. Quand une âme est parvenue à un certain degré de souffrance, elle ne peut plus être touchée que par Celui dont les pieds et les mains furent percés. Il me semble que Jésus veut être seul avec vous. Remettez-vous entre ses mains, pleurez vos fautes, suppliez votre Sauveur. Dites-Lui que vous voulez L’aimer… Lui seul, et non sa créature… L’aimer enfin.

En même temps il présentait à la mourante un crucifix qu’il posa légèrement tout d’abord sur son front, puis sur sa bouche, puis sur sa poitrine. Elle parut sensible à ce contact, se redressa en frémissant, comme quelqu’un qui reconnaît une approche à la fois chère et redoutable ou qui s’entend appeler par son nom. Elle haletait un peu et semblait écouter avec une sorte de vague sourire, craintif, suppliant et amer. À tâtons ses doigts cherchèrent la croix puis s’y rivèrent et elle l’éleva très haut, comme le naufragé au-dessus des eaux qui l’étouffent élève le seul trésor qui lui reste et qu’il cherche à sauver. Ses yeux s’arrêtèrent sur le père Athanase et tandis que, debout, l’ayant bénie, il prononçait d’une voix haute et ferme la formule de l’absolution, deux larmes coulèrent sur ses joues. Elle voulut parler encore, formuler sa dernière pensée, son repentir peut-être, mais son effort fut vain, et si avidement qu’il guettât cette suprême confidence, pour lui sans prix, Michel n’en put rien saisir. Presque aussitôt prit fin cette