Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
l’abbaye d’évolayne

tour, elle s’excusa de sa malice en quelques mots aimables, mais le moine, relevant la tête, la regarda et elle s’arrêta court au milieu d’une phrase, déconcertée par ce regard qui aveuglait comme un éclair de magnésium, prenait une vue précise de l’âme, puis se détournait. Elle comprit qu’un seul coup d’œil avait suffi au religieux pour la connaître mieux qu’un ami auquel elle se fût expliquée. Il ne laissa point deviner, d’ailleurs, ses impressions et demanda, gardant un visage impassible :

— Combien de temps resterez-vous ici ?

— Ah ! dit Adélaïde, remise de son trouble, je compte sur vous, mon père, pour retenir Michel. Sa santé me cause quelque inquiétude. Or, depuis quinze jours, sous prétexte de repos, nous excursionnons sans relâche. Nous ne nous sommes pas arrêtés plus de trois jours au même endroit et je tremble qu’après-demain Michel ne veuille repartir.

— Je saurai m’y opposer, dit le père. Je lui ferai les honneurs de notre abbaye. Soyez tranquille, on ne la quitte pas ainsi.

Il parlait de son monastère avec une expression de tendre orgueil. Dans son visage morne et sans grâce, son regard rayonnait et brûlait comme, dans un foyer bien construit, ces hautes flammes égales qu’aucun coup de vent ne peut atteindre. On voyait là le feu d’une âme que la joie dévorait.

— Non, reprit-il d’un ton bas, presque caressant, on ne quitte pas aisément Évolayne. J’ai vu des étrangers qui, venus par hasard en excursion, s’attardaient ici pendant des mois. Vous assistez aux complies ?

La réponse fut affirmative. Presque aussitôt