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l’abbaye d’évolayne

une cloche au son lent et grave annonça l’office prochain. Le moine salua Adélaïde et serra la main de Michel.

— À demain, vieil ami. Je vous attendrai à huit heures, après ma messe. Ne songez plus au départ. La santé du corps dépend la plupart du temps de celle de l’âme et vous la trouverez ici avec la paix.

Michel et Adélaïde entrèrent alors dans l’abbaye. Au silence des champs, vivant et léger, succéda soudain un silence écrasant, total : celui de la mort ou celui de la prière. Le jour mourant ne projetait dans la nef qu’une vague pâleur grise qui rendait plus solennelle la forêt des piliers, plus mystérieuses les hautes voûtes. L’autel se discernait à peine au fond du chœur, fort éloigné des bancs réservés aux fidèles. Quelques pèlerins, hommes et femmes, attendaient dans un profond recueillement l’office. Ils étaient comme des formes inertes que leur âme avait abandonnées. Les deux nouveaux venus, agenouillés comme eux imitèrent leur immobilité. Elle ne leur pesait pas. Michel, l’homme qui ne pouvait supporter l’inaction, à qui il fallait toujours, pour le retenir en un même lieu, l’attrait d’une conversation, d’un livre, d’une étude ou d’une découverte quelconque, Michel demeurait rêveur, oisif, patient en face de l’ombre. Elle s’anima au bout de quelque temps. Des silhouettes vagues y passèrent que l’on discernait à leurs mouvements. Les moines arrivaient sans ordre, un à un, par des issues diverses et glissant doucement sur les dalles, gagnaient leurs places dans les stalles.

La nuit était maintenant complètement tombée.