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l’abbaye d’évolayne

qu’elle sollicitait. Il avoua que Michel ne lui paraissait pas se trouver tout à fait dans sa voie. Mais toute solution hâtive présentait de grands risques. Il promit d’étudier son ami et de transmettre à Adélaïde le résultat de ses observations.

Leur commune sollicitude pour un être qu’ils chérissaient tous deux les lia. Ils se revirent plusieurs fois, abordèrent des sujets plus généraux. La conversation du père était vive, spirituelle. Son caractère enjoué étonnait beaucoup Adélaïde. Elle s’intéressait aux âmes religieuses, leur prêtait une extrême complication. Dès qu’elle l’osa, elle interrogea le moine sur sa vocation. Elle supposait qu’il avait dû passer par des tourments qu’elle aurait désiré connaître, mais, soit qu’il ne voulût rien en dire, soit qu’il les eût oubliés ou surmontés, Dom Athanase n’y faisait jamais allusion, racontait une histoire toute simple. Très jeune, il avait entendu l’appel divin. À vingt ans, il était entré à l’abbaye pour n’en plus sortir. Certainement, la joie qui éclatait dans son regard, dans son rire si franc, dans sa gaieté parfois puérile n’était point un masque. Bien que chargé de lourdes responsabilités, il les portait sans effort, se jouait dans la vie avec la confiante sécurité de l’enfant sur qui veille son père. Adélaïde comparait ce bonheur sûr, indestructible, au sien, si menacé :

— Je vous envie un peu, mon père, avoua-t-elle un jour avec mélancolie.

Le moine semblait attendre depuis longtemps cette parole et il tenait sans doute sa réponse toute prête, tant elle fut prompte :

— On n’envie pas un homme qui se chauffe