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l’abbaye d’évolayne

au soleil, alors qu’on n’a qu’un pas à faire pour quitter l’ombre froide et participer à des bienfaits qui sont offerts à tous.

Adélaïde sentit venir l’attaque, mais elle ne s’y déroba point. Elle pensait qu’ils se connaissaient maintenant assez bien pour s’expliquer, en amis, leurs positions religieuses. Aussi, lorsqu’il interrogea :

— Vous étiez catholique, je crois ?

Elle répondit sans embarras :

— De naissance et d’éducation, oui. J’ai été baptisée, élevée dans un couvent. Je me suis mariée à l’église.

— Mais vous ne pratiquez plus ?

— Non.

— Pourquoi ?

Elle fit un geste vague. Il lui était impossible de s’attendrir en évoquant « la foi de son enfance », ayant reçu d’un cœur rebelle ou indifférent des enseignements qui, loin de lui dilater l’âme, l’étouffaient. La religion n’avait jamais été pour elle que cet ensemble de dogmes sévères, de principes étroits dont sa belle-mère se servait pour comprimer les élans de sa nature indépendante et lui interdire toute aspiration personnelle. L’assistance aux offices, l’usage des sacrements faisaient partie des habitudes routinières contre lesquelles s’insurgeait sa jeunesse. Elle les avait rejetées d’un seul coup en s’évadant de sa province, et cela sans débats, sans crise, tout naturellement, au moment où l’amour venait remplir son cœur, donner à sa vie un but. Le fait que Michel ne pratiquait pas l’affermit dans son incrédulité tranquille. Plus tard, en lisant beaucoup avec lui, elle rencontra le ca-