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l’abbaye d’évolayne

ment. Elle comprenait que Michel vînt chercher ici chaque matin des impressions fortes et pures qui l’accompagnaient tout le jour. Elle s’applaudissait d’avoir fait un effort pour le suivre et partager une fois au moins ses émotions. Plus tard, quand ils auraient quitté Évolayne, bien souvent, ensemble, ils revivraient cette heure.

Comme elle le regardait, de loin, unissant ses pensées aux siennes, elle le vit se lever. La messe n’était point finie. Le prêtre qui la célébrait demeurait immobile, penché sur le calice. La sonnette venait de tinter trois fois. Elle s’étonna qu’il partît si tôt. Mais, au lieu de descendre vers elle, comme elle s’y attendait, il remonta lentement vers l’autel. Elle s’était dressée, croyant rêver. Car le prêtre, portant le ciboire, maintenant lui faisait face, s’avançait vers la table de communion. Michel, agenouillé parmi les fidèles, reçut l’hostie et il revint à sa place les bras croisés, la tête inclinée, les yeux clos.

C’est ainsi que, dans une révélation subite, il lui apparut entièrement changé, entièrement différent d’elle, converti, chrétien, portant avec respect son Dieu dans ce cœur qu’elle croyait connaître et qui avait su lui cacher un tel secret. Elle eut la sensation d’un outrage inouï sous lequel son amour indigné se cabrait, jetait des cris. En un instant tout lui devint hostile dans l’abbaye : les croix dont l’or brillait sous la lumière, les figures de saints peintes sur les vitraux, l’hostie qui soudain s’éleva dans une chapelle à sa droite, les prêtres en prière, courbés sur les autels, occupés à accomplir on ne savait quel sortilège qui la dépossédait.

Elle quitta l’église et se retrouva au dehors, sur