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l’abbaye d’évolayne

Ces quelques mots la soulagèrent déjà. Ses pleurs débordèrent. Michel se méprit sur la cause de sa douleur.

— Vraiment, Adé, est-ce que cela vous fâche tellement ?

Elle marchait près de lui sans le regarder. Elle parlait avec une violence âpre s’efforçant de ne plus pleurer.

— Que vous vous fassiez chrétien, mahométan, bouddhiste, je n’y vois nul inconvénient. Mais qu’un tel changement ait pu s’accomplir dans votre âme, un événement si grave bouleverser votre vie, sans que vous ayez daigné m’en rien dire, voilà ce que j’accepte difficilement. Je n’avais pas mérité cette injure. Rougissiez-vous donc si fort de votre conversion pour me la cacher ainsi ? ou bien, ce qui est plus probable, avez-vous honte de moi devant votre Dieu ? Suis-je une femme tellement frivole, tellement abjecte, pour que vous me jugiez indigne d’être associée à votre vie spirituelle ? J’aurai du moins découvert d’un seul coup votre foi nouvelle et votre mépris pour moi. Rien en vous ne m’appartenait qu’une apparence. Votre âme m’échappait toute, cherchait en dehors de moi son bonheur, m’excluait de son paradis. Je vous aurais mieux pardonné une trahison des sens, oui !

Elle se tut pour reprendre haleine. Michel vit une larme encore couler sur sa joue.

— Quand vous serez plus calme et que vous pourrez m’entendre, commença-t-il…

— Je suis absolument calme, interrompit-elle furieusement et quand même je ne le serais pas, il est trop facile de reprocher sa nervosité à un