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l’abbaye d’évolayne

à cette heure inusitée, il ne laissa paraître nulle surprise. Son regard n’exprima rien qu’une certaine volonté de ne rien exprimer. Il posa tout de suite, négligemment, la seule question importante :

— Vous arrivez ?

Avant qu’elle eût parlé son visage la trahit dont tous les traits vacillèrent, tandis que des expressions diverses s’y succédaient avec rapidité : mépris, humiliation, indignation, sarcasme.

— Non, dit-elle, je sors. J’ai assisté comme vous à la messe.

Il comprit, rougit un peu, tendit vers elle une main hésitante puis, comme elle se détournait, proposa :

— Rentrons, voulez-vous ?

Tous deux traversèrent l’esplanade et s’engagèrent sur la route. Michel, gêné par le silence, se hâta de prononcer au hasard quelques paroles, les premières qui lui vinrent à l’esprit :

— La journée sera belle, chaude certainement mais à cette heure le vent…

Elle lui fit signe de se taire. Elle ne pouvait supporter qu’il se dérobât ainsi à toute explication. N’entendait-il pas en elle ce bruit sourd de chute, d’explosions, comme si toute sa vie, passé, présent, avenir, sautait, croulait, tombait en ruines. Elle n’avançait qu’avec peine. La route devant elle fuyait comme un cours d’eau, les herbes montaient jusqu’au ciel, la lumière se brisait dans ses yeux en mille facettes. Son visage s’empourprait, elle était aveuglée de larmes et de sang.

— Je vous félicite de votre conversion, dit-elle avec éclat.