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l’abbaye d’évolayne

— Agréable caractère !

— Oui, dit-elle, provocante. Heureusement la vertu vous oblige à me supporter désormais.

Elle tremblait un peu en le bravant ainsi. Jamais il n’avait permis qu’elle prît envers lui ce ton acerbe et insultant. Il opposait à toutes ses révoltes une violence plus froide que la sienne, plus disciplinée, partant plus redoutable. À sa grande surprise il s’inclina et dit sans amertume :

— Vous êtes la plus forte !

Non point elle, mais ce Dieu qu’il aimait comme il ne l’avait jamais aimée. Car malgré qu’il craignît de la faire souffrir, il n’avait jamais su dompter pour l’épargner sa nature impérieuse. Elle sentait bien qu’aujourd’hui ce n’était pas à elle qu’il cédait.

Cette impression s’accentua durant les jours suivants. Habituellement, lorsqu’il n’avait pu la mater au cours d’une scène violente, Michel attendait dans un silence orgueilleux qu’elle vînt lui demander pardon. Les rôles cette fois furent intervertis. Tandis qu’elle demeurait hostile, morose, ancrée dans sa rancune, il multipliait les attentions, les prévenances, semblait tacitement reconnaître ses torts, lui donner raison contre lui. Adélaïde, interprétant avec lucidité cette attitude toute nouvelle n’y découvrit point une preuve de tendresse, mais d’obéissance aux lois de l’Église, aux conseils du père Athanase. D’ailleurs, pour que Michel se montrât si tolérant, il fallait que leur désaccord lui fût indifférent. Le voyant toujours d’humeur si égale, elle le croyait heureux et souffrait qu’il le fût en dehors d’elle. Aussi n’épargnait-elle rien pour détruire ce bonheur,