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l’abbaye d’évolayne

étant d’ailleurs certaine de n’y point parvenir. Elle ne cherchait plus à ménager cet homme qu’elle aimait pourtant, lui refusait toute concession. Lorsqu’il insistait pour l’emmener à quelque office, elle répondait d’un ton coupant :

— Pourquoi vous accompagnerais-je ? Je ne vais pas avec vous chez vos malades. Vous êtes médecin et je ne le suis pas. Qu’irais-je faire à l’église ? Vous êtes chrétien et je ne le suis pas.

Elle avait pris l’abbaye en horreur, la détestait comme une rivale. Devinant sa jalousie, Michel se reprocha de l’avoir trop souvent abandonnée. À plusieurs reprises, il voulut la suivre dans ces longues promenades qu’elle semblait aimer, mais elle le renvoyait disant :

— Laissez-moi la nature, et gardez votre Dieu, je sais qu’il vous suffit.

Leurs rapports étaient maintenant constamment tendus et contraints. Ils n’avaient plus rien à se dire. Leurs lectures étaient différentes. Ils évitaient de parler du père Athanase, d’aucune question religieuse. Leur seul sujet de conversation leur venait des lettres qu’ils recevaient et gardaient l’habitude de se communiquer. Mais la réflexion la plus innocente faisait apparaître leur désaccord. Un jour, pendant le déjeuner, Adélaïde reçut une lettre de Maurice Verdon, son frère, qui passait ses vacances à Deauville en joyeuse compagnie :

— Pour toi, disait-il à sa sœur, je n’imagine pas ce que tu peux devenir dans ce pays perdu avec, pour seule distraction, une abbaye. Tu me parles de la beauté des offices. Quel intérêt ? C’est toujours des psaumes, du latin, accompagné de sima-