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l’abbaye d’évolayne

une mer fraîche et forte. Mais sa reconnaissance allait surtout à l’homme qui lui avait montré sa voie. Elle le louait en louant Dieu. Puis, son action de grâces s’interrompit. Il lui semblait que les prières de Michel passaient en elle, suffisaient pour deux. Elle les ratifiait sans les connaître.

Ils sortirent de l’abbaye les derniers et s’arrêtèrent sur la place, là où, quinze jours auparavant, ils avaient échangé des propos si âpres. Le temps était gris et calme. Une pluie récente avait dégagé les plus secrets arômes. La feuille, l’herbe, la terre, les écorces embaumaient comme des fleurs. Ils se trouvaient en présence d’un monde nouveau pour eux, parfaitement ordonné, parfaitement expliqué, béni, divin. Leurs yeux errèrent sur les choses environnantes puis se cherchèrent. Adélaïde avait imaginé que leur réconciliation se ferait avec de grandes effusions. Mais voici qu’elle se tenait devant Michel, ne songeant point à l’embrasser, silencieuse, calme, la tête un peu levée vers lui, plus grand qu’elle. À travers les cils droits, touffus et sombres, le regard bleu, amorti, tombait sur elle avec des chatoiements de soleil sous les feuillages. Son âme s’offrait, fleur, à cette lumière, s’en laissait pénétrer, et, dans un recueillement ineffable, leurs pensées se mêlaient.

— Mon Dieu, balbutia-t-elle, d’où vient ?… Je ne vous ai jamais tant aimé…

— Moi aussi, murmura-t-il, je vous aime tellement mieux qu’autrefois ! Voyez-vous, aucune tendresse humaine ne peut avoir de réalité qu’en Dieu. Aujourd’hui j’ai compris le sens mystique du mariage, sa grandeur éternelle. Notre union était imparfaite. Il me semble que c’est aujour-