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l’abbaye d’évolayne

d’hui seulement, ce matin, que je vous ai épousée.

Elle respira largement dans l’épanouissement d’un bonheur désormais parfait. Elle éprouvait enfin pour la première fois ce sentiment de la durée qui, jusqu’alors, avait manqué à leur amour.

Appuyée au bras de son mari, elle descendit avec lui la route. Et chaque herbe, chaque détail du paysage lui rappelait le jour de sa colère.

— Me pardonnez-vous, Michel ? demanda-t-elle humblement. Je le mérite peu, ayant été si odieuse, si détestable.

— Tout est effacé. Vous venez de me donner une joie que je n’espérais plus. J’en suis encore tout étourdi. Oh ! chérie, comment cela s’est-il fait ?

Elle ne croyait plus que sa conversion se fût opérée la veille en quelques heures dans la forêt. Évoquant les émotions éprouvées, lors de son arrivée à Évolayne, elle leur prêtait un sens nouveau et, s’identifiant à Michel, pensait qu’ils avaient toujours été en plein accord.

— Moi aussi, j’ai eu mon chemin de Damas. J’ai été foudroyée en même temps que vous. Mais il y a chez la femme un grand instinct de résistance. Devant ce qu’elle désire elle prend peur et fuit. Elle résiste même à l’homme qu’elle aime et dont elle se sait aimée, comment céderait-elle à Dieu sans luttes ?

— Du moins, s’écria-t-il avec enjouement, vous ne pouvez plus me reprocher de vous avoir caché ma conversion. Car vous m’avez trompé volontairement sur votre état d’âme avec une malice infernale.

— C’est vrai, dit-elle en riant. J’ai pratiqué la