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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/87

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l’abbaye d’évolayne

nase, elle recevait docilement ceux de Michel. Il employait pourtant les mêmes arguments que le moine, mais avec un accent tout différent, car les problèmes que son ami trouvait simples le troublaient encore profondément, bien qu’il acceptât la solution catholique. Il conservait devant le mystère du monde une attitude triste. Nouveau converti, il se souvenait d’avoir porté le poids de l’inquiétude et du doute. Il comprenait, malgré sa foi, l’erreur, il en avait pitié. Son anxiété s’accordait avec celle d’Adélaïde. Leurs promenades n’étaient plus que de longues méditations où Michel s’efforçait, en s’éclairant lui-même, d’éclairer sa compagne.

— Vous êtes pleine de doutes, Adé, disait-il, et vous accusez Dieu du mal, mais si vous rejetez Dieu, le mal devient aussitôt plus terrible encore, et plus inexplicable. Comme vous, je suis tenté souvent de me révolter devant la souffrance, mais je me réfugie dans l’Église qui, seule, donne un sens à ce monde et nous permet de l’accepter.

— Il faut admettre, ajoutait-il, que nous avons tous deux une pente à remonter, une purification immense à subir pour retrouver dans son intégrité la mentalité chrétienne. Nous ne sommes peut-être pas de grands coupables, mais l’esprit du monde est en nous qui corrompt nos jugements. Nos opinions sur les sujets les plus graves demeurent superficielles. Nous accordons trop d’importance à la douleur, pas assez au péché. À force de ne côtoyer que des êtres pour qui Dieu n’existe pas, dont l’âme est comme frappée de paralysie et qui n’agissent que sous l’impulsion de leurs passions ou de leurs appétits, nous avons appris à considérer les plus grandes fautes avec