Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/105

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vous. Avec les mêmes précautions, les mêmes peurs, elle était entrée dans cette même maison. Elle avait monté l’escalier ; elle avait sonné à une porte. Elle avait pénétré dans une chambre. Quelqu’un l’y attendait. Elle avait couru à lui. Des bras l’avaient étreinte. Elle avait retiré sa voilette, ôté son manteau, son chapeau. Et puis, ensuite, elle s’était dévêtue. Son corps avait senti le contact d’un autre corps. Et elle avait désiré que le temps ne s’écoulât point, que tous les bruits s’arrêtassent, que la vie fût suspendue. Et tout cela, parce que des lèvres plaisaient à ses lèvres…


5 février. — J’ai reçu une longue lettre de ma mère. Mme  Bruvannes lui a écrit au sujet de la santé d’Antoine Hurtin. Il est vraiment assez malade. Depuis deux ou trois mois, il dépérissait. Son embonpoint était tombé. Il se sentait fatigué. Aux courses d’automne, il a pris froid. Rien de grave, s’il n’eût été surmené par l’existence qu’il mène depuis quinze ans, par les excès de toutes sortes qu’il a commis. Tout d’abord, il n’a pas voulu se soigner. Il a continué de faire toutes les sottises qui lui sont coutumières. Il était seulement un peu préoccupé. Un jour, Mme  Bruvannes entra dans l’appartement qu’Antoine occupe quai Malaquais, dans une aile de l’hôtel. Antoine n’attendait pas sa tante. Il était assis à sa table et écrivait. Écrire, pour Antoine, est un fait grave. Mme  Bruvannes allait se retirer