Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/221

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je visse aujourd’hui même cette console, et M. Delbray avait insisté assez vivement pour que je ne différasse pas ma visite. Oui, pourquoi choisissait-il un jour où Mme de Jersainville était chez moi, d’autant plus qu’il était obligé, par le fait même, de proposer à Madeleine qu’elle se joignît à nous ? Tout cela me passa par l’esprit assez vivement, en même temps qu’y revenait juste à point le souvenir d’un rendez-vous pris, pour le même jour, avec une petite lingère qui habite rue Guénégaud et que m’avait indiquée Mme de Glockenstein.

À peine l’excuse de la lingère alléguée, j’entendis le rire de Madeleine de Jersainville :

— Mais, ma pauvre Laure, tu es folle avec ta lingère ; elle peut bien attendre ; d’ailleurs, j’ai mon auto en bas, je te mène chez monsieur Delbray et, de là, je te conduirai rue Guénégaud.

M. Delbray acquiesçait de la tête et ce fut avec un empressement marqué qu’il demanda à Mme de Jersainville qu’elle voulût bien lui faire l’honneur de passer aussi quelques instants dans son modeste logis.

L’appartement qu’habite Julien Delbray est situé au deuxième étage d’une maison qui n’en compte que trois. L’escalier est convenable, rien de plus. Le domestique qui vint nous ouvrir a bonne allure bourgeoise, mais en voyant son maître en compagnie de deux dames, il parut fort flatté. Aussi m’adressa-t-il, en s’inclinant, une grimace sympathique. Madeleine de Jersainville surtout sembla lui produire une vive impression. La mâtine s’était mise en frais de beauté, ce jour-là, tandis que j’avais assez mauvaise mine et que j’étais mal coiffée. J’avais mis mon chapeau à la hâte pour sortir. Je m’en aperçus à la grande glace qui ornait l’antichambre de M. Delbray. C’est une glace peinte à l’italienne de fleurs et d’oiseaux. Du reste, tout l’appartement de