Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vois-tu, tu ne nous en aurais pas moins plaqués. Alors, c’est en pensant à tout cela que je me suis dit : « Il faut absolument que je trouve quelque chose pour le retenir à bord. » C’était difficile. Heureusement je me suis rappelé que tu me parlais souvent de Mme de Lérins. Tu me racontais que tu la promenais dans Paris, que vous étiez d’excellents camarades. Alors j’ai eu une idée lumineuse et j’ai insinué à ma tante qu’elle devrait bien inviter aussi Mme de Lérins. Elle était libre comme l’air, fraîchement divorcée. Cela l’amuserait de voir du pays, cette enfant ! Et quelle agréable compagnie elle sera pour Julien ! Elle l’aidera à passer le temps. Je ne dois pas te cacher que la bonne tante a d’abord un peu regimbé. Elle est très à cheval sur les convenances, la tante Bruvannes ! Mais j’ai tenu bon. Je lui ai prouvé que, si un yacht est un endroit admirable pour se faire la cour, c’est un lieu détestable pour aller plus loin. Ces considérations morales ont rassuré la tante Bruvannes et probablement aussi Mme de Lérins, car, comme tu vois, elle a accepté l’invitation. Il en résulte que te voici pour deux mois pourvu d’une aimable compagne de voyage. Hein ! que dis-tu de la manœuvre… ?

Le stewart nous a interrompus. Il apportait à Antoine, sur un plateau, un tonique mélange de madère et de jaune d’œufs. Quand il eut bu la mixture, Antoine reprit, en faisant claquer sa langue :

— Et maintenant, espèce de cachottier, tu ne