Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/28

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tant, il n’avait pas sa grande solitude mélancolique ! Le patinage y avait attiré trop de monde. Versailles n’était pas le lieu noblement désert qu’il est habituellement. Trop de promeneurs dans les allées, trop de curieux au bord du Grand Canal. Les bons Versaillais s’étaient réunis en foule pour admirer les ébats des patineurs qui évoluaient en nombre sur la vaste étendue miroitante. Ils n’y faisaient, pourtant, guère bon effet. On aurait dit un essaim de mouches noires, sans ailes. Il aurait fallu là des costumes éclatants et bigarrés. Nos sombres vêtements modernes manquent trop de pittoresque et de couleur. Leur triste uniformité était encore plus sensible dans ce beau décor opulent et calme. Et puis, parmi tous ces patineurs, si quelques-uns montraient de l’élégance et de la virtuosité, beaucoup n’étaient que des apprentis et des lourdauds. Leur inexpérience et leur gaucherie provoquaient l’hilarité des spectateurs, qui s’amusaient de leurs chutes grotesques et de leurs attitudes maladroites. Cette vue me donna quelque mauvaise humeur. En vain je cherchai mes jeunes filles et leurs compagnons. Ils s’étaient sans doute dispersés et s’exerçaient plus loin. Aussi eus-je bientôt assez de ce spectacle sans grand intérêt. Heureusement, il me restait la beauté de l’air et du ciel, et je me dirigeai vers des parages moins fréquentés.

Si le grand parc était trop populeux à mon gré, par contre, celui de Trianon était presque désert. Cette solitude se sentait dès l’abord, et j’en eus