Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/340

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il avait fait inviter à bord Mme  de Lérins pour avoir sous la main un agréable « en cas » de voyage ! Sans doute, il avait trouvé sa précieuse santé assez rétablie pour essayer de goûter à ce morceau de choix ! Et je connaissais assez ses théories de hussard, son mépris des femmes, son dédain de l’amitié, pour être sûr qu’il n’avait pas hésité à organiser contre Laure quelque guet-apens, à user envers elle de ruse, de surprise ou de violence. Mon absence lui avait certainement paru favorable à la réalisation de ses projets. Sans doute, Laure avait résisté à ces entreprises, mais, offensée de l’indigne procédé, elle n’avait pas voulu demeurer plus longtemps en compagnie de ce goujat. Alors elle avait quitté le yacht et profité du premier paquebot en partance ! Mais pourquoi n’avait-elle pas attendu mon retour ? Pourquoi ?

Brusquement j’avais laissé là Gernon et je dégringolais l’escalier des cabines. La porte de celle d’Antoine était entr’ouverte. Je la poussai rudement et j’entrai.

Antoine était étendu sur sa couchette. Comme il faisait extrêmement chaud, il avait enlevé une partie de ses vêtements et reposait à demi nu, en fumant une cigarette. À la vue de ce gros corps blanc de jouisseur, ma colère redoubla. Je me précipitai vers Antoine et je le secouai rudement par le bras. Les mots s’étranglaient dans ma gorge :

— Pourquoi Laure est-elle partie ? Que lui as-tu fait ? Mais réponds, réponds donc.