Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/350

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ges, des baobabs, je crois. Longtemps, je suis resté arrêté devant un plan de Bougainvilléas, à considérer stupidement leur floraison empourprée. Ensuite, je suis rentré en ville. À un certain moment, j’ai congédié la voiture. Chez un marchand arabe, j’ai fait une longue station. Le marchand était un vieillard à barbe blanche. Il m’a montré des tapis sans intérêt, des étoffes, des bourses de cuir. J’ai fini, je ne sais pourquoi, par acheter un petit flacon de verre rempli d’essence de roses. Puis, je suis monté à la Kasbah ; j’ai grimpé et descendu des escaliers, parcouru des rues étroites. J’ai frôlé des hommes en burnous et des femmes voilées. L’air était plein d’une odeur de pierre chaude, de suint, de fritures, à laquelle se mêlaient de vagues senteurs de jasmin. Il m’a semblé reconnaître dans un passant un des énergumènes qui étaient venus à bord du yacht, celui qui frappait sur un tambour, tandis que ses compagnons mangeaient des scorpions et se faisaient enfoncer dans le crâne, à coups de marteau, un long clou. Ah ! ce clou, il me semblait en sentir la pointe dans ma tête lourde ! Une atroce migraine me serrait les tempes.

Après avoir acheté chez un pharmacien un cachet d’aspirine, je me suis retrouvé attablé dans un restaurant, au fond d’une salle presque vide. J’avais devant moi une bouteille de champagne frappé et une assiette pleine. J’ai vidé cette bouteille, puis une autre. Ma migraine avait disparu. J’éprouvais, même, une sorte de bien être. La seule chose qui m’incommodât était que je ruisselasse de sueur,