Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/37

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du en dodelinant sa petite tête ratatinée et grinchue, car on dit qu’il n’est pas bon. Cela s’est vu, du reste, dans sa conférence. Après avoir expliqué brièvement le sujet des Atrides de Maxence de Gordes, il en est vite arrivé à leur auteur. Maxence de Gordes et Gernon se sont beaucoup connus, mais cette longue liaison a dû accumuler bien des rancunes dans le cœur de Gernon, à en juger par le portrait qu’il a tracé de son ami.

Si ce n’est pas une tortue que Gernon a laissé choir sur le crâne eschylien de Maxence de Gordes, c’est une pluie de petits cailloux épigrammatiques. Gernon semblait s’amuser à ce jeu, dont la malice était assez peu comprise du public. La méchanceté de la plupart des traits lui échappait. Néanmoins, il applaudit le conférencier, et le rideau se leva sur l’admirable tragédie.

Dès les premiers vers, de par leur couleur et leur sonorité, on se sent transporté dans l’antique barbarie des vieux âges. Peu à peu, la brutale fresque tragique se déroule sous nos yeux. L’Acropole se remplit de clameurs et l’on entend gronder les lions de marbre qui en gardent l’entrée. Le choc des armes retentit. Des voix astucieuses et rudes échangent des propos subtils et brusques. Tout à coup, le glaive frappe. Un cri parricide tord une bouche furieuse. Une plaie béante laisse couler un sang noir, et, de la mare fumante, naissent les Érinnyes vengeresses, larves funestes de la fatalité, miasmes empestés du Destin !…

Quand je suis sorti du théâtre, il faisait nuit. Les