Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/36

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rencier, entre sa carafe et son verre d’eau. Il y apparaissait vraiment minuscule, avec sa petite figure ratatinée comme une pomme de reinette, ses yeux trop clairs, dans sa face de cuir rose. Il portait un habit, d’une coupe vraiment extraordinaire, et avait au cou une sorte de cache-nez fait d’une bande de satin noir doublée intérieurement d’une maigre fourrure. Le drap de son habit était tellement râpé et aminci qu’on craignait qu’il se déchirât au moindre de ses mouvements.

Gernon n’avait l’air nullement embarrassé de cet accoutrement, ni de ce public nouveau pour lui, car il y a loin de la salle de l’Odéon au réduit de l’École des Études Grecques où Gernon fit longtemps son cours de mythologie hellénique devant de rares auditeurs. Il est vrai que, depuis quelques années, ses leçons sont plus suivies. Aujourd’hui, Gernon connaît cette célébrité tardive que Paris donne parfois sur le retour à ceux qu’il a trop injustement méconnus. Gernon accepte volontiers cette aubaine de gloire inattendue. Cela ne lui a pas fait modifier son existence. Il habite toujours son galetas de la rue Descartes, où il vit, confiné, l’hiver, avec sa fourrure au cou et où il reçoit les interviewers entre son caniche Léo et son perroquet Babylas. Il porte toujours les mêmes vêtements râpés et, en toute saison, son immuable chapeau de paille. Il devait l’avoir laissé au vestiaire avec son macfarlane.

Malgré la bizarrerie de son aspect, le public a fait à Gernon un accueil chaleureux. Il y a répon-