Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/43

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Au mot femmes, les yeux du vieux Feller ont brillé sous les verres de ses lunettes. Qui sait, après tout, si Feller n’a pas été en son temps amateur du beau sexe ? Ce goût expliquerait son boudoir tendu de soie, son ottomane, l’air de petite maison qu’a son logis. Peut-être le lieu est-il peuplé pour lui d’aimables fantômes ? Ne seraient-ce pas chez Feller les indices d’un passé galant, dont il a conservé des habitudes de propreté méticuleuse ? Feller est très soigneux de sa personne. Il porte toujours du linge extrêmement fin et blanc.

Comme je prenais congé de lui, il a voulu m’accompagner jusqu’à la porte. En traversant un des salons, j’ai remarqué une flûte soigneusement placée dans une vitrine et reposant sur un coussin de soie. Voyant que je regardais l’instrument, Feller s’est arrêté et m’a dit avec son accent inimitable : « Ça, mon jeune ami, c’est un souvenir d’autrefois, c’est ma flûte d’étudiant, car j’ai été très bon flûtiste, et, à l’Université, je n’avais pas mon rival. J’allais exécuter des petits concerts au clair de lune sous les fenêtres de la belle comtesse Janiska. » Et il ajouta : « Car j’étais fort amoureux de la comtesse, jeune homme, fort amoureux ! » Une quinte de toux l’interrompit et, avec un rire, il m’a fermé la porte au nez.


12 janvier. — J’ai fait ce rêve. C’est une salle dans un ancien château. Ce château est situé je ne sais pas où, mais j’ai l’impression qu’il se trouve