Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Kérambel, qui a dîné chez moi avant-hier soir.

Deux fois l’an, Yves de Kérambel vient à Paris rendre visite à une de ses parentes, Mme de Guillidic, dont il est l’unique héritier, et il passe trois ou quatre jours chez elle, après quoi il retourne à Guérande, où il habite, toute l’année, une vieille petite maison adossée au rempart de l’antique petite ville. Yves de Kérambel est, d’ailleurs, un Guérandois résolu. Rien ne lui paraît plus beau que Guérande, et je serais bien surpris qu’il la quittât, même lorsqu’il aura hérité de la tante Guillidic. Il continuera, très probablement, à y mener la même existence qu’aujourd’hui. Les quatre ou cinq mille francs de rente que lui ont laissés ses parents lui suffiront, mais il aura alors le plaisir d’entasser les revenus de son héritage. Ce n’est pas cependant qu’Yves de Kérambel soit un avare. C’est simplement un provincial et, en agissant comme il agira, il ne fera que se conformer aux usages de sa province.

Quand je le mets sur ce sujet, il rit et ne me dément point : « Que veux-tu, me dit-il, c’est vrai, je suis comme ça ! »

Car Yves de Kérambel et moi nous nous tutoyons. C’est une habitude d’enfance. Nous nous sommes quittés à l’âge de douze ans et nous sommes restés une dizaine d’années sans nous revoir. Depuis lors, quand le double voyage annuel d’Yves correspond à ma présence à Paris, nous ne manquons pas de nous réunir une fois pour dîner ensemble. C’est ce qui est arrivé avant-hier, et c’est pour cette céré-