Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/50

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les Kérambel et Yves venait, de temps à autre, jouer avec moi sur la plage du Pouliguen. Nous n’avions pas à être ensemble un plaisir extraordinaire, mais nous acceptions volontiers notre compagnie réciproque, puisque nos parents en disposaient ainsi. De ces réunions, rien de très spécial n’est demeuré dans nos mémoires. Cependant, je me rappelle, non sans agrément, certain jeu de tonneau dont la grenouille vert-de-grisée ouvrait sa gueule bonasse dans un coin du jardin Kérambel et Yves n’a pas oublié non plus une certaine boîte de soldats de plomb qui faisaient son admiration, quand il venait à la maison. Malgré notre bonne volonté, nos communs souvenirs ne nous apportent rien de plus, et cependant ces souvenirs nous permettent de nous tutoyer et de nous octroyer le titre d’amis d’enfance.

Yves veut bien attacher du prix à ce droit, et, moi-même, je m’y prête volontiers. Sans trop savoir au juste pourquoi, j’ai une certaine affection pour Yves. Certes, cette affection n’est pas très vive et je n’en attends pas des procédés extraordinaires, aussi a-t-elle l’avantage de ne m’avoir pas causé de déceptions. Il n’en a pas été toujours de même. J’ai eu d’autres amis qu’Yves de Kérambel. L’un d’eux, même, m’a été particulièrement cher, mais des événements intimes nous ont séparés, je crains bien, pour jamais.

Après tout, Yves de Kérambel, tel qu’il est, ne m’est pas indifférent. La preuve en est que j’ai eu plaisir à le voir apprécier la cuisine de Marcellin.