Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le cas de la tante Guillidic examiné, nous en venons au chapitre des menus événements personnels de l’année. Là-dessus, je fournis à la conversation une contribution plus abondante que celle qu’y apporte Yves de Kérambel. Bien que je vive assez solitaire, la vie, à Paris, est tout de même plus variée qu’à Guérande, et, cependant, je ne manque pas d’interroger Yves sur l’existence guérandoise. Je le questionne même avec quelque curiosité. Depuis Balzac, Guérande est une ville de roman et je ne puis m’imaginer que des histoires passionnantes ne continuent pas à s’y élaborer ; mais Yves ne satisfait guère mon attente. Est-ce discrétion ou simplement qu’Yves ne soit pas observateur ? Il se montre avare de particularités sur ses concitoyens. La vérité est que, peut-être bien, il ne sait rien d’eux. La vie profonde de la province est singulièrement secrète, et il faut pour la pénétrer une perspicacité qui manque à Yves de Kérambel.

Par exemple, s’il est peu au courant des mœurs des familles guérandoises, il est fort renseigné sur leurs origines, leurs alliances, leurs parentés. Yves de Kérambel est généalogiste. Il possède en cette matière une mémoire étonnante. Il a aussi celle du temps qu’il a fait. Il sait en détail la manière dont se sont comportées les saisons. Il note sur son calendrier l’état quotidien de l’atmosphère.

De Guérande, nous finissons, Yves et moi, par en arriver insensiblement aux souvenirs d’enfance. Ces souvenirs n’ont rien, d’ailleurs, de bien particulier. On me menait parfois, l’après-midi, goûter chez