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le mieux possible de la petite maison que nous avions louée au Pouliguen pour attendre l’achèvement des travaux projetés à la Lambarde. De provisoire, cette installation devenait définitive, car mon père semblait se plaire de plus en plus au Pouliguen. Il y avait organisé sa vie. Ma mère y arrangea la sienne sans protestation. J’étais d’une santé assez délicate et le climat de cette côte saline m’était favorable. Je me fortifiais à courir toute la journée dans le sable et à respirer l’air du large. J’atteignis ainsi l’âge de sept ans.

À partir de ce moment, mes souvenirs se précisent et, dans ces souvenirs, la Lambarde tient une place importante. Elle était devenue le but le plus ordinaire de mes promenades. On m’y envoyait très souvent goûter avec ma bonne ; quelquefois aussi ma mère m’y accompagnait.

Il me semble maintenant qu’elle regardait avec un sourire mélancolique et patient les fenêtres, toujours closes, de la maison, son jardin envahi par les mauvaises herbes, l’abandon où le domaine était demeuré, malgré les excellentes intentions de mon père. Quant à moi, naturellement, je n’éprouvais rien de pareil, bien au contraire. Ce jardin à demi inculte m’enchantait. J’y découvrais mille recoins merveilleux. La maison avec son large escalier de pierre, le demi-jour de ses pièces démeublées, ses corridors obscurs, son odeur de solitude et de renfermé excitaient mon imagination enfantine. J’aimais à la parcourir et à m’y cacher. Je prenais la clé chez le gardien, le père Bouvry,