Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/72

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Un jour que Nina était allée seule voir une parente à San Gemignano, Neroli profita d’un moment d’absence du quincaillier pour s’introduire dans la boutique. Rapidement, il grimpa l’escalier et se cacha dans un cabinet qui attenait à la chambre de Nina. La jeune fille ne rentra qu’assez tard dans la soirée. Neroli attendit que le père de Nina fût endormi et qu’elle-même se fût mise au lit, puis brusquement il pénétra dans la chambre. En le voyant entrer, Nina se mit à rire. Il crut, à cet instant, que son stratagème avait désarmé Nina, mais il s’aperçut bientôt qu’il se trompait étrangement. Aux premières tentatives de Neroli, Nina opposa une résistance énergique. Alors, commença entre eux une lutte violente et silencieuse. Nina eût pu crier, appeler au secours — son père dormait derrière la cloison — mais elle n’en fit rien et ce fut dans l’obscurité que Neroli triompha d’elle, dans une étreinte muette et furieuse, d’où il sortit le visage labouré de coups d’ongles et les mains mordues jusqu’au sang, mais sans que ni l’un ni l’autre eût poussé un seul cri.

Après cette prise de force, Neroli était persuadé d’avoir réduit la rebelle. Elle accepterait le fait accompli. Mais là encore Neroli se trompait. Nina ne fit aucune allusion à Neroli sur ce qui s’était passé entre eux. Seulement, à partir de ce jour, elle se donna ouvertement à qui voulait d’elle, et elle s’arrangeait pour que Neroli fût averti de chacun de ses caprices. Elle espérait ainsi le faire souffrir de jalousie, en prodiguant à d’autres ce qu’elle