longtemps à mon désir, et, un matin, nous nous acheminâmes vers la rue du 29 Juillet, où le bonhomme demeurait. Quel délicieux souvenir j’ai conservé de cette visite ! L’escalier était roide et sombre. Le père Thomas logeait au quatrième étage, où il occupait une grande chambre extraordinairement encombrée. Il y régnait une bizarre odeur de copeau, de colle, de peinture, de vernis et de goudron. Sur des planches s’alignaient des coques de toutes grandeurs, les unes encore blanches, les autres déjà peintes. Quelques-unes portaient déjà leur mâture et leur gréement. Certaines n’étaient encore qu’à l’état de squelettes. Le père Thomas construisait à lui seul cette flottille en chambre. Il en était à la fois l’ingénieur, le charpentier, le calfat et le peintre. Seul, il ajustait les planchettes, tendait les cordages, coupait et cousait les voilures. Ses mains habiles façonnaient ces charmants petits bateaux qu’il faisait d’ailleurs payer fort cher. Malgré cela, le père Thomas avait aux Tuileries une superbe clientèle. Je me rappelle mon émotion quand je lui fis ma commande. Comme j’étais pressé, je choisis une coque déjà peinte et prête à être gréée. Le père Thomas me promit que mon sloop serait fin voilier.
Ce fut un beau jour que celui où je le vis arriver aux Tuileries, aux bras du père Thomas. Le bonhomme n’avait pas manqué à sa promesse. À peine à l’eau, la Lambarde, ainsi s’appelait mon bateau, prit le vent avec aisance et facilité. Quelle joie j’éprouvais à le voir filer rapidement et élé-