nos jeux et à leur donner du mouvement et de l’entrain. En l’absence de l’Amiral, le bassin était morne et la journée languissante. Nul ne savait mieux que lui régler une course ou un combat naval.
Nous en livrâmes de terribles et d’acharnés sous son commandement. On se divisait en deux camps, et nous lancions nos bateaux les uns contre les autres. Il fallait voir les beaux abordages, les beaux enchevêtrements de beauprés et de vergues. Quelquefois il y avait des dégâts, d’où naissaient des querelles, dont l’Amiral était l’arbitre. Après ces journées tumultueuses, c’était un spectacle imposant que de voir Antoine Hurtin quitter le bassin, escorté d’un grand valet de pied en livrée, portant les bateaux et les cannes de M. l’Amiral, tandis que la tante d’Antoine, l’excellente Mme Bruvannes, qui venait, chaque jour, aux Tuileries chercher son neveu, écoutait avec admiration le récit enthousiaste des exploits accomplis durant l’après-midi. Quelquefois, Antoine exigeait que sa tante fût témoin de ses victoires. La bonne dame ne savait pas résister aux désirs de cet enfant gâté et elle honorait de sa présence les régates, joutes et combats où triomphait toujours l’escadre amirale, le pavillon bleu à croix rouge.
Ce fut comme spectatrices de nos ébats navals que Mme Bruvannes et ma mère firent connaissance. Le deuil de ma mère, sa tristesse, sa solitude intéressèrent Mme Bruvannes. Les deux femmes causèrent. Mme Bruvannes, demeurée veuve de bonne