Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/136

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buffet de porphyre des masques alternatifs de Tritons et de Sirènes crachaient, par la bouffissure de leurs bouches convulsives, une suffocante gorgée de cristal. Parfois, quand la fontaine s’était tue et que les marbres énigmatiques embaumaient de leur triple nudité le bosquet d’arbres silencieux, on voyait, sur le bord de la vasque égouttante, se poser, pour y boire, une colombe.

Autour de l’octogone du bassin, des statues de bronze alternaient avec des ifs équarris en pyramides et des cyprès taillés en obélisques. Leur reflet se métallisait dans une eau calme où celui des statues semblait se dissoudre à demi, se fondre en une sorte d’aspect d’outre vie, moins leur image que leur ombre, car toute eau est un peu magique et, si elle est tout à fait tranquille, on ne sait pas ce qui y peut dormir.

Le reste du jardin se disposait en carrés de futaie ; une palissade d’un buis dur et ras les encadrait. A l’intérieur, sous les hauts arbres, on marchait toujours sur des feuilles mortes. Tous ces carrés, dont deux face à face de chaque côté du bassin, s’agrémentaient, chacun, d’une surprise. Ici une petite source coulait goutte à