Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/165

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nuit, dans quelque embuscade de l’ombre. Leur mélodie se coupait de pauses et s’enflait aux reprises. Hertulie y reconnut les flûtes de son sommeil, mais plus mortelles et plus au delà de l’espoir. Tout ce qu’elles disaient faisait allusion à l’absence d’Hermotime, elles en consacraient l’irrévocabilité, et Hertulie comprenait le sens de ce mélancolique concert. Hermotime ne reviendrait pas. Elle le savait depuis bien longtemps par l’iris brisé et par les hiéroglyphes des chauves-souris ; elle l’avait lu aux grimoires de leur vol ; les flûtes le lui avaient chuchoté et il lui semblait qu’Hermas le lui redisait encore. Comme autrefois, près de l’Escalier de Narcisse, il murmurait : Hertulie, tendre Hertulie, on a fermé les fontaines ; elles ont pleuré toutes les nuits plus tristement ; elles pleuraient dans votre vie ; elles pleurent dans votre destin. O Hermotime ! tu ne reviendras pas : j’en atteste la flèche voyageuse, le cruel poignard, la gourde et sa signifiance de route lointaine, tout, et la clef par qui tu as fermé le passé sur tes pas. Hermotime ne reviendra plus ; il ne pouvait pas revenir. L’épi ne redevient plus une fleur ; la sagesse ne redevient pas l’amour.